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Les maisons de la Sagesse

L’histoire des sciences médiévales en terres d’Islam est indissociable de celle des institutions de science. En effet, du IIIe H./IXe ap.J.-C. au Ve H./XIe ap.J.-C., mus par un réel désir de science conjugué à un dessein politique visant à asseoir le prestige de leur régime, les califes créèrent des Bayt al-hikma / Maison de la sagesse qui devinrent très vite de grands foyers intellectuels urbains. Pour encourager les recherches philosophiques et scientifiques et leurs applications, et garantir la préservation des travaux des Anciens, elles rassemblaient bibliothèques, centres de traduction, de copies et de reliures de manuscrits, centres de recherches et de débats scientifiques, lieux d’accueil pour les savants-voyageurs venus parfaire leurs connaissances.

Scène de lecture
Le jardin heureux (Boustan Sa’adi)
Le Caire, Bibliothèque nationale d’Egypte,
cote adab farsi 22


La maison de la Sagesse (Bayt al-Hikma) de Bagdad

Les califats de Hârûn al-Râshid (170-193 H./786-809 ap. J.-C.) et de son fils al-Ma’mûn (198-218 H./813-833 ap. J.-C.) furent marqués par une démarche volontaire de recherche de la science qui se manifesta par un important mouvement de traductions de textes grecs, indiens, persans, etc.
Au début du 3e H./9e ap. J.-C., fut créée à Bagdad – sans doute à l’imitation de celle qui sous les Sassanides avait été florissante à Jundichapur, en Perse -, une « Maison de la Sagesse » (Bayt al-Hikma).
Une vie intellectuelle brillante et largement interconfessionnelle s’y organisait autour de centres multiples : école, centres de recherche, mosquées, observatoires, et surtout d’une bibliothèque qui regroupait tous les manuscrits collectés qui furent traduits et mis à disposition des savants. Bagdad devint un foyer scientifique qui attira les élites intellectuelles du monde musulman.

Au VIe H./XIIe ap.J.-C., le savant et historien Ibn Abi ‘Usaybia témoignait de la valeur attachée à ces livres issus de la bibliothèque de la « Maison de la sagesse » d’al-Ma’mun :

« J’ai vu un grand nombre de livres du grand médecin grec Galien dont la traduction était rédigée de la main d’al-Azraq, rédacteur du traducteur Hunayn. Certains portaient des annotations en grec de la main de Hunayn. Les livres portaient les emblèmes d’al-Ma’mun. »
Le service de traduction, très hiérarchisé, était réputé pour son efficacité scientifique,: « La haute direction appartenait au secrétaire de la traduction. Le travail était distribué entre de hauts traducteurs secondés par des rédacteurs qui, très probablement, leur préparaient la première copie. Un correcteur était désigné pour corriger les erreurs du point de vue de la langue
»


La maison de la Sagesse ( dar al-hikma ) du Caire

Au début du 5e H./11e ap. J.-C., au Caire, nouvelle capitale des Fatimides, le calife al-Hakîm (996-1021 ap. J.-C.) mit un point d’honneur à créer, dans son palais de l’Orient, un centre d’études scientifiques destiné à éclipser par sa grandeur les institutions de ses prédécesseurs en Orient : une dar al-hikma, centre d’études scientifiques doté d’une riche bibliothèque enrichie de fonds provenant des collections privées du palais. Plus de quatre siècles après, l’historien Maqrîsî (701-776 H./1364-1442 ap. J.-C.), admiratif, décrit le fonctionnement de cette institution.

« Le samedi 10 du mois de Jumâdâ II de l’année 395 (1005 ap.J.-C.), on ouvrit au Caire « La Maison de la Science » ; on y installa des jurisconsultes et l’on y transporta des livres tirés des bibliothèques du palais. Chacun avait la liberté d’entrer et de sortir, ou de copier tout ce qu’il voulait. Cette Maison fut ornée avec soin, décorée de tapis et de rideaux, et l’on y attacha des intendants et des valets de chambre pour en faire le service. Ensuite, on y établit des lecteurs, des astronomes, des grammairiens et des médecins. La bibliothèque que Hakîm avait fait porter renfermait des ouvrages sur toutes sortes de matières, des livres copiés à la main des plus célèbres calligraphes, et formait la collection la plus nombreuse qu’un prince eût jamais rassemblée. Hakîm, par une magnificence bien louable (…), assigna un traitement annuel aux jurisconsultes et à tous ceux qui étaient attachés à cette maison. Tout le monde y était admis sans distinction. Les uns venaient pour lire des livres, d’autres pour prendre des copies, d’autres pour écouter des leçons des différents professeurs. On y trouvait l’encre, le papier et les plumes dont on pouvait avoir besoin. En 1013, Hakîm manda plusieurs mathématiciens, logiciens, jurisconsultes et médecins attachés à la « Maison de la Science ». Chaque classe de savants fut appelée séparément, pour conférer en présence du calife qui les combla de dons et les fit tous revêtir des robes d’honneur. »

Al-Maqrîsî, titre français (al-mawâ’iz wal-i’tibâr fî dhikr al-khitat wal-atâr)
(Trad. Quattremère, 1837-1845, II, 474-475)


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