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Voyager

La soif de connaissances, le goût de la découverte et de l’aventure, les nécessités de l’organisation du monde arabo-musulman ont incité des hommes de toutes origines, toutes conditions sociales à entreprendre des voyages. Le plus célèbre de ces voyageurs est sans doute Sindbad le marin, le héros des Mille et une nuits, figure du commerçant itinérant du II e H./IXe ap.J.C., toujours à l’affût d’expériences nouvelles, quels qu’en soient les risques pourvu que l’homme en sorte enrichi moralement, intellectuellement et matériellement.


Les savants voyageurs

Les savants n’hésitaient pas à quitter leur terre d’origine pour parcourir le monde, séjournant parfois plusieurs années dans une région en quête de nouveaux textes, de nouvelles découvertes, humaines, géographiques, etc. Poussés par leur curiosité ou pour des raisons personnelles (exil, carrière, etc.), ils contribuèrent aux transferts des connaissances.
Ainsi, le célèbre
al-Bîrûnî dut d’abord fuir sa région natale, le Khwarizm en raison d’une guerre civile. Il s’installa alors à Ravy (près de l’actuelle Téhéran). Ce ne fut que le début d’une longue expédition qui le mena jusqu’en Inde (Pendjab, Cachemire).

Le Khwarizm
Al-Istakhrî ,
Le Livre des routes et des royaumes
Le Caire, Bibliothèque nationale d’Egypte, cote 199 géographie

A quarante-cinq ans, apprenant le sanskrit, al-Bîrûnî fit plusieurs voyages en Inde.
En scientifique accompli, il s’évertua à accumuler des connaissances et à faire partager son savoir. Ainsi, il traduisit en sanskrit Les Éléments d’Euclide et son propre traité d’astronomie puis écrivit une Description de l’Inde qui devint la principale source d’informations sur la situation du pays au Ve H. / XIe ap. J.-C. : géographie, littérature, système des castes, philosophie, sciences exactes, religion, superstitions, lois et coutumes, poids et mesures, etc. Il convient de noter le respect dont témoigne al-Bîrûnî à l’endroit d’un peuple et d’une société où tout lui est étranger :

« En tout lieu tenu pour sacré, les Hindous creusent des étangs pour les ablutions et ils témoignent là d’un art accompli. Si bien que les nôtres (les Musulmans) les admirent quand ils les observent, s’avèrent incapables de narrer leurs ouvrages et plus encore de les imiter. Car les Hindous édifient des terrasses de grandes pierres qui entourent l’étang et s’élèvent à hauteur d’homme et même d’avantage. Entre deux terrasses, ils construisent des escaliers qui atteignent le rebord des terrasses. Ainsi, les premières marches font un chemin de ronde autour de l’étang et les autres permettent de monter et de descendre de la terrasse à l’étang sans se gêner. Ce qui évite tout désordre ».


Les récits de voyage

Les récits de voyage permettaient de regrouper de nouvelles données relatives à la géographie physique, humaine, économique, religieuse de plusieurs contrées et apportaient de précieuses informations aux scientifiques.
Le géographe al-Idrîsî au VIe H. / XIIe ap. J.-C. s’appuya sur ces récits pour alimenter son célèbre Livre de Roger.
L’immense périple d’ibn Battûtta au VIIIe H. / XIVe siècle ap. J.-C., qui donna naissance au livre intitulé Présent fait aux observateurs, traitant de curiosités offertes par les villes et des merveilles rencontrées dans les voyages, dura vingt-neuf années et le conduisit du Maghreb à l’Inde et la Chine. Il décrivit avec précision la faune et la flore des pays qu’il traversait, la religion et les coutumes des habitants.
Il parla de la Chine avec beaucoup d’admiration :

« Le peuple de la Chine est de tous les peuples celui qui a le plus d’habileté et de goût pour les arts. En ce qui concerne la peinture, aucune nation chrétienne ou autre, ne peut rivaliser avec les Chinois. On m’a assuré que l’empereur avait ordonné aux peintres de faire notre portrait. C’est du reste une habitude établie chez les Chinois de faire le portrait de quiconque passe dans leur pays ».

Certains maîtres préconisaient de voyager pour apprendre.
L’historien ibn Khaldûn, né en 732 H. / 1332 ap. J.-C. à Tunis et mort en 1406 ap. J.-C., fit ses études dans le cadre de la prestigieuse université de la Zeintouna (Tunis) où il suivit les enseignements du célèbre maître al-Abili qui insistait sur l’intérêt des voyages et des contacts humains pour compléter une éducation que la seule fréquentation des « Textes » ne pouvait assurer. Suivant sa curiosité et son désir d’en savoir toujours plus, il s’engagea dans une expédition lancée par la dynastie hafside et s’enfonça dans le Maghreb central.
Son parcours le conduisit des tribus du Maghreb profond à l’Andalousie. Il consacra un livre au Maghreb dont l’approche se voulait à la fois politique et « sociologique » au sens contemporain du terme.


Ibn Khaldûn, dans ses Prolégomènes, s’intéresse au rôle du voyage dans la formation des étudiants et consacre un long paragraphe à ce sujet :

Les voyages entrepris dans le but d’augmenter ses connaissances et de travailler sous les professeurs d’autres pays servent à compléter l’éducation d’un étudiant.

« Les hommes acquièrent leurs connaissances, les doctrines qu’ils professent, les qualités et les talents par lesquels ils se distinguent, soit en étudiant, en enseignant et en dictant des leçons, soit en fréquentant des professeurs et en répétant devant eux les leçons qu’ils viennent d’entendre. Plus on a eu de professeurs, plus on a fortifié ses connaissances.
Les termes conventionnels dont on se sert dans l’enseignement troublent les idées, de sorte que beaucoup d’étudiants s’imaginent que ces mots font une partie essentielle de la science dans laquelle on les emploie. Ils ne pourront jamais se délivrer de cette illusion qu’après avoir reconnu par une expérience directe, sous plusieurs professeurs, que les systèmes de terminologie diffèrent d’une école à l’autre. (…) Arrivé à ce point, l’étudiant sent que ses facultés intellectuelles ont pris assez de force pour raffermir dans son esprit les connaissances acquises, qu’elles lui permettent de reconnaître l’exactitude de ce qu’il a appris et de distinguer le vrai du faux.
»

Ibn Khaldûn, Les Prolégomènes, Imprimerie impériale, 1868.


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