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Les jardins arabes

Les jardins arabes sont issus de plusieurs traditions :

  • assyrienne dont les jardins suspendus de Babylone sont restés célèbres et figuraient parmi les « Sept merveilles du monde » ;
  • égyptienne dont les représentations nous offrent une image ordonnée autour de bassins, source de fraîcheur et réservoir d’eau pour les plantes ;
  • persane avec les jardins sassanides que les Omeyyades découvrirent quand ils conquirent la Mésopotamie (Ier H. / VIIe ap . J.-C.).

Le texte fondamental de l’Islam, le Coran, fournit la structure de base du jardin arabe auquel viendront s’ajouter au cours des siècles des éléments architecturaux, des plantes, etc.
Les jardins promis aux croyants appelés « jardin des délices », « jardin d’éternité », « jardin du Paradis » ou encore « jardin du refuge » reflètent l’image du jardin idéal.

Le terme le plus utilisé dans le Coran pour désigner les jardins, « jannat », est étroitement associé à l’eau, comme élément sacré, source de vie :
« Nous ferons descendre du ciel une eau bénite, elle fera croître les jardins (« jannat »), et le grain que l’on moissonne, les palmiers élancés porteurs de régimes bien ordonnés » (50-9 ; 10, 11).
Le jannat y est souvent décrit comme « un jardin au bas duquel coule un ruisseau ».
C’est un jardin de vallée.

L’organisation des jardins arabes

C’est un espace fermé. Le jardin paysan est clos par une haie d’épineux ou par un mur tandis que le jardin princier est enfermé derrière une enceinte de hauts murs. Ce dernier prend une nouvelle configuration. Il est généralement divisé en quatre parties séparées par des axes perpendiculaires marqués par des canaux d’irrigation. Canaux ou aqueducs apportent l’eau de l’extérieur et alimentent un étang ou un bassin central. Des pavillons de plaisir sont édifiés donnant vue sur les parties cultivées, assurant le prestige de leur possesseur.
On retrouve cet agencement du jardin arabe dans les textes des voyageurs médiévaux et dans les innombrables miniatures persanes ; l’archéologie vient aujourd’hui confirmer cette représentation.

Dans les villes très peuplées comme l’était le Caire médiéval, il existait des « jardins de fenêtre » (balcons). On en trouvait même au sommet des maisons.
Au Ve H./XIe siècle ap. J.-C., le voyageur persan Nâsir i Khosrau décrit un jardin du Caire :
« J’ai entendu dire à une personne qui méritait toute confiance qu’un particulier avait un jardin sur la terrasse d’une maison de 7 étages. Il y avait fait monter un veau que l’on avait nourri jusqu’à ce qu’il fut devenu un bœuf ; il avait établi une noria qui, mise en mouvement par le bœuf, élevait l’eau sur la terrasse où il avait planté des orangers à fruits sucrés et amers , des bananiers et d’autres arbres fruitiers. Il y avait également semé des fleurs et des plantes odoriférantes de toutes sortes. »

Le rôle des jardins arabes

Le jardin cultivé

Le jardin est par excellence le lieu de la polyculture.
Trois strates de culture se superposent souvent afin de permettre une croissance optimale : les plantes potagères au sol sont surmontées d’arbres fruitiers (orangers, citronniers, grenadiers, etc.) qui eux-mêmes sont surplombés de palmiers dont l’ombre légère laisse passer les rayons du soleil. On y trouve également des plantes médicinales (les Simples) .

Le jardin expérimental

Le jardin arabe est un lieu d’expérience végétale. On y acclimate et améliore par des greffes les plantes, légumes et fruits que l’on a presque toujours importés de l’Est (Citrus, fleurs et aromates d’Inde et de Chine, légumes de Perse).
En Andalousie, existait l’école dite des «Géoponiciens andalous » (IVe -VIIe H. / Xe-XIIIe siècle ap. J.-C.), où des agronomes et botanistes curieux partaient à la recherche de nouvelles plantes exotiques afin de faire des essais dans un jardin expérimental.

La réputation des jardiniers andalous était reconnue. A partir de 1248, date de la prise de Séville (Reconquista), les jardiniers émigrèrent dans tout le Maghreb emportant avec eux de nouveaux plants et de nouvelles techniques de culture et diffusant leur savoir, comme le souligne l’historien ibn Khaldûn, dans les Prolégomènes.

Le jardin plaisir

Si l’eau est nécessaire car fertilisante (le jardin est par excellence un lieu irrigué), elle donne également lieu à différents plaisirs indissociables de la notion de jardin arabe. La disposition judicieuse des canalisations, des bassins et des fontaines, apporte la fraîcheur aux heures les plus chaudes de la journée et apaise les sens par un écoulement continu. Le pavillon est aussi un refuge dans lequel on se plait à se reposer.
Au début du XVe siècle, un lettré égyptien nous décrit les jeux d’eau du jardin du Bardo à Tunis.
« J'étais ce jour-là au nombre des invités et je vis ce jardin extrêmement bien aménagé et fort beau, où s'élève un palais à trois étages destiné au sultan, tout à fait remarquable, élégamment bâti, agréable et plaisant, d'une architecture royale et d'un aspect merveilleux. Il s'y trouve aussi une importante pièce d'eau de grande dimension et une installation dite "le serpentin" destinée à faire courir l'eau ; elle consiste en une rigole aménagée dans une pierre de marbre : l'eau y arrive par un côté puis y tournoie admirablement en suivant le creux de la rigole pratiquée dans la plaque de pierre et dessine une large et superbe spirale, plaisir des yeux et joie de l'esprit, véritable merveille, où le courant d'eau s'enroule comme un serpent et revient plusieurs fois en sens contraire en un admirable dessin »

Le doux parfum des fleurs, l’abondance des fruits, l’ombre fraîche des arbres, le chant des oiseaux contribuent à faire du jardin arabe un lieu de réjouissance et de bien-être.

Le jardin, lieu de vie sociale

Théatre d'innombrables intrigues et aventures, comme en témoignent les Mille et Une Nuits, c’est à l’abri des regards indiscrets que les femmes peuvent déambuler dans les différentes parties du jardin séparées par de hauts murs.

Les jardins sont des prolongements politiques du palais ; on y accueille des personnalités (ministres, ambassadeurs) qui peuvent admirer à loisir la belle disposition et l’harmonie du jardin, témoins de la richesse et du raffinement de son possesseur. Les miniatures persanes abondent en réceptions princières dans des jardins.
Et plus simplement, on reçoit au jardin ses amis poètes ou artistes ; ce dont on garde d’innombrables témoignages littéraires siciliens, maghrébins et surtout andalous.

Le jardin est un monde à part de la vie quotidienne où l’homme accommode la nature dans son rêve de vie meilleure, C'est le paradis des hommes pieux et justes. Cette image d'un jardin merveilleux a hanté les créateurs de jardins en pays musulman au fil des siècles et se poursuit encore aujourd'hui.

Françoise Aubaile-Sallenave, Museum d’Histoire Naturelle (Paris)


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