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Les hôpitaux

L’hôpital représente une des grandes réalisations de la société médiévale musulmane.
L’islam encourageait à traiter tous les malades sans tenir compte de leur statut financier dans des hôpitaux dotés par des fondations (
waqfs). Les hôpitaux étaient ouverts à tous, hommes, femmes et enfants, civils et militaires, riches et pauvres, musulmans et non musulmans.
L’hôpital remplissait de nombreuses fonctions : traitement médical et soulagement de la douleur, asile pour les blessés et les convalescents trop pauvres pour être traités chez eux, formation des médecins. La prise en charge particulière des aliénés est à souligner.
Un hôpital s'appelait à l’époque un bimâristan, souvent contracté en mâristan, du persan bimâr (malade) et stan (lieu). Le mot actuellement désigne un asile pour aliénés. On ne sait pas très bien quand ce changement de sens est intervenu, il est probable qu’il est relativement récent et date du début du XIIIe H. / XIXe siècle ap. J.-C. où on lui a préféré le mot arabe actuel, mustashfah.

Anne-Marie Moulin


Il existait vraisemblablement déjà des hôpitaux à la période préislamique en Perse, bien que certains historiens des sciences aient contesté l’existence de l’hôpital de Jundîshabûr.
La première initiative califale est attribuée à Harûn al-Rashîd (171-193 H. / 786-809 ap. J.-C.) qui aurait construit le premier hôpital à Bagdad. Le médecin al-Râzî y a exercé.
Du VIIIe au XIIe siècle ap. J.-C., probablement toutes les grandes villes du monde arabo-musulman eurent un hôpital visité par les voyageurs, ainsi à Jérusalem et à Damas par exemple. L’hôpital al-Nouri de Damas fondé par le sultan Nûr al-Dîn Zinkî en 549 H. / 1154 ap. J.-C. est resté en fonction jusqu’au XIIIe H. / XIXe siècle ap. J.-C.
Au Caire, le premier
bimâristan fut construit par Ahmed ibn Tûlûn en 260 H. / 874 ap. J.-C. Mais, celui qui a servi de modèle est l’hôpital al-Mansûrî, construit au VIIe H. / XIIIe ap. J.-C., dont l’historien al-Maqrizi nous donne une description précise. Certains hôpitaux créés à l’époque médiévale sont aujourd’hui encore en activité, par exemple l’hôpital Araghûn d’Alep (Syrie). L’hôpital al-Mansûrî du Caire est devenu un centre d’ophtalmologie.

Description de l’hôpital al-Mansûri

« Le roi [sultan Qalawûn] traça dans cet édifice le plan d’un bimâristan, d’un mausolée et d’une école. Celui-ci déploya une telle activité, que les travaux de construction furent achevés en l’espace de onze mois et quelques jours, ayant commencé le 1er Rabi 683 de l’Hégire (1284).
Dès que les travaux de construction furent achevés, Malek El Mansour [sultan Qalawûn] constitua au profit de cette institution, plusieurs waqfs [fondations pieuses] au Caire et ailleurs, dont le revenu atteignait environ un million de dirhems par an, et organisa les dépenses du bimâristan, du mausolée et de l’orphelinat. Le roi assura ensuite au bimâristan les remèdes, les médecins et tout ce qui était nécessaire aux malades. Il y désigna les agents des deux sexes, pour servir les malades, hommes et femmes, fixa leurs traitements, installa les lits des malades, et affecta un emplacement spécial à chaque groupe de maladies. Ainsi, un des quatre vestibules (iwân) fut consacré aux maladies infectieuses et autres similaires, le second fut affecté à l’ophtalmologie, le troisième à la chirurgie et le quatrième aux malades atteints de diarrhée. Une salle spéciale fut réservée aux femmes et une autre aux personnes qui ont un tempérament froid (mabroudine). L’eau courante fut assurée dans toutes les parties du bimâristan, dont une partie fut consacrée à la cuisine, aux médicaments, aux boissons, à la préparation des électuaires, des collyres, à l’emmagasinage des produits, et à la distribution des médicaments et des boissons. Enfin, dans une des pièces du Bimâristan s’installait le médecin en chef pour donner ses leçons.
»

Extrait de l’historien
Maqrizi, « Al Khitat wal Athar », t.2, in Dr Ahmed Issa Bey, Histoire des Bimâristans à l’époque islamique, Le Caire, 1928.

plan de l’hôpital al-Mansûrî
Plan de l’ensemble architectural Qalâwun : mosquée, tombeau et hôpital
Le Caire, juillet 1822
MS 1309, fol.24
D’ap. Pascal Coste, Toutes les Egypte, éd. Parenthèses, Marseille, 1998.
© Boulos Refaat

Au Caire, le gouverneur mamelouk al-Malik al-Mansûr Sayf al-Din Qalawûn (678 – 689 H. / 1279-1290 ap. J.-C.) termina en 683 H. / 1284 ap. J.-C. un complexe contenant une mosquée, sa tombe, une école et un hôpital. L’hôpital reçut en son honneur le nom de Mansûrî.


Dans son Journal de voyage, Ibn Jubayr décrit :
« A Damas, il y a environ vingt madrasas et deux hôpitaux : un ancien et un nouveau qui est plus beau et plus grand que l’ancien. Il jouit d’un revenu de quinze dinars par jour. Ses intendants ont des registres où sont écrits les noms des malades et les dépenses nécessaires aux remèdes, la nourriture et autres… Les médecins s’y rendent chaque jour, auscultent les patients et prescrivent les remèdes et le régime qui convient à chacun. L’autre hôpital est du même genre, mais on y déploie plus de zèle encore. L’ancien hôpital se trouve à l’ouest de la mosquée vénérable. Les fous à lier qui sont enchaînés subissent eux aussi une sorte de traitement. Nous cherchons refuge auprès de Dieu contre l’épreuve et le mauvais sort ! On raconte des histoires drôles sur ces fous, et nous en avons entendu. Voici l’histoire la plus étrange qui nous ait été rapportée : un homme enseignait le Coran et avait pour élève un fils de notable qui n’était pas sans beauté et qui portait le nom de Nasr Allah. Le maître s’éprit de son disciple et sa passion fut si violente qu’il devint fou. On l’hospitalisa. On apprit alors la cause de son mal et sa passion coupable pour le garçon. Parfois le père de celui-ci l’amenait à ce pauvre malheureux. On lui disait : « Sors d’ici et enseigne de nouveau le Coran comme par le passé ! Alors il répondait avec l’innocence des fous : « Que me reste-t-il à enseigner ? J’ai tout oublié du Coran sauf : Quand vint l’aide d’Allah (nasr Allah) ».

Ibn Jubayr, Journal de voyages.


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